Le mascaret, un sacré phénomène !
On ne rappelle plus la fascination qu’exerce le mascaret en passant au port de St Pardon, poussant sur plus d’un kilomètre les surfeurs et kayakistes portés avec ivresse par le train de vagues.
Mais ce phénomène naturel dont on ne se lasse pas, plus impressionnant en période de forts coefficients de marée, cache un revers beaucoup moins…plaisant pour les riverains. En effet, l’érosion du pied de berge dont il est la cause, provoque à terme l’effondrement du haut de berge qui se décroche de la rive et glisse dans le cours d’eau en entraînant les arbres.
Enfin, s’invitent à cette ‘’entreprise de démolition’’, les crues accompagnées de vents tempétueux souvent nourries de lourdes précipitations, et gonflées’’ au printemps par la fonte des neiges qui vient s’ajouter aux causes de débordements
Face à ces risques menaçant la sécurité de leurs biens, notamment des habitations datant pour la plupart du XVIIIème siècle, des propriétaires riverains de la Dordogne à Vayres, se sont constitués en ASA (Association Syndicale Autorisée) en 2003, afin de pouvoir entreprendre des travaux de réfection de digue, de réparation et de confortement des berges domaniales et solliciter des aides publiques pour les réaliser.
En effet, L’État est propriétaire du Domaine Public Fluvial (DPF) constitué du lit et des berges, et délimité par le niveau atteint par les eaux avant qu’elles ne débordent.
Les digues, qui sont au dessus des berges, ne font pas partie du domaine de l’État dont la mission est de garantir la sécurité de la navigation et le bon écoulement des eaux, et non d’empêcher la mobilité naturelle de la rivière due aux mouvements hydrauliques exercés sur les berges.
- Hauteurs de berges
C’est donc aux propriétés riveraines qu’il « …appartient de supporter la dépense pour la réalisation de travaux de protection contre les inondations, dans la proportion de l’intérêt qu’elles y trouvent… », comme le précise l’article 33 de la loi de 1807 toujours en vigueur.
Des travaux et des Hommes
En 2006, l’ASA a été autorisée après enquête publique, à réaliser son plan pluriannuel de travaux déclarés d’intérêt général en application de l’article L211-7 du Code de l’Environnement, selon les procédures propres aux marchés publics.
Ce plan terminé en 2016, a permis :
- de protéger 24 habitations du recul de la berge grâce à 845 ml d’enrochements et au retalutage de sa partie supérieure en pente douce (505 ml de part et d’autre du port de St Pardon, et 340 ml sur divers tronçons, de part et d’autre du port de Vayres),
- de réaliser la réfection totale de la digue en terre sur 400 ml en aval du port de St Pardon, équipée d’organes hydrauliques dont l’entretien a fait l’objet d’une convention avec la Commune.
- de restaurer la végétation de berge sur plus d’un kilomètre, visant à fortifier la ripisylve existante, à couper les arbres penchés vers la rivière, et à améliorer la biodiversité.
Les travaux ont été financés par :
- la « redevance pour service rendu » des 42 associés qui participent aux dépenses engagées sous forme de taxes annuelles recouvrées par le Trésor Public, calculées proportionnellement à leur intérêt aux travaux,
- les subventions des collectivités : Département de la Gironde, Conseil Régional d’Aquitaine, FEDER (Fonds Européens de Développement Régional),
- les emprunts bancaires contractés par l’ASA et cautionnés par la Commune qui participe à leurs remboursements par une subvention.
La mission de l’ASA de Vayres, accomplie bénévolement par ses membres, a pu être menée à bon terme grâce au soutien des collectivités et à l’accompagnement exceptionnel de sa Commune.
Des Hommes et leur environnement ...
Les travaux indispensables pour protéger les populations du recul de la berge et des inondations, ont été conduits avec la plus grande attention vis-à-vis des espèces patrimoniales présentes sur les zones concernées par les aménagements.
La vallée de la Dordogne appartient, sur l’ensemble de son cours et affluents, au réseau de sites européens "Natura 2000". Elle a été désignée en 2015 comme Zone Spéciale de Conservation (ZSC) impliquant des mesures règlementaires destinées à protéger les espèces et les habitats remarquables et menacés de la vallée de la Dordogne.
Son classement par l’UNESCO en réserve de biosphère s’inscrit dans un projet de société durable et un engagement moral pour la protection de sa biodiversité, en l’intégrant dans le réseau mondial des réserves de biosphère qui rassemble 661 sites d’exception à travers tous les continents. La vallée de la Dordogne est donc reconnue par ce classement comme « …un territoire exemplaire et d’intérêt majeur à l’échelle mondiale. Il suggère aussi une certaine harmonie entre la nature et les hommes qui l’ont exploitée, habitée, façonnée, rêvée… sans l’abîmer irrémédiablement. »
Voir EPIDOR : www.biosphere-bassin-dordogne.fr
- Angélique
Nos berges abritent en effet une diversité d’espèces végétales remarquables à l’échelle nationale, européenne et mondiale, qui trouvent des conditions idéales à leur installation dans les zones soumises aux marées, comme l’Angélique des estuaires, et l’Oenanthe de Foucaud, toutes les deux étant protégées au plan national.
D’autres espèces patrimoniales, certaines bénéficiant de protection nationale ou locale, sont présentes dans les milieux humides riverains comme la Nivéole d’été et le Séneçon erratique.
Elles constituent, avec les formations alluviales de boisements feuillus et de roselières, le canevas d’un écosystème exceptionnel
... Un patrimoine commun à préserver
- Fritillaire
C’est pourquoi lors des travaux, des précautions ont été prises pour préserver les pieds d’Angélique développés sur le haut de berge.
Pour ceux qui n’ont pu l’être, une dérogation de destruction d’espèces protégées a été délivrée à l’ASA par la DREAL Aquitaine, assortie de l’obligation d’observer la dynamique de développement de la végétation et le retour des espèces sensibles sur une période de 5 ans, sur les berges soumises aux travaux.
Moins de cinq ans après la mise en place du dispositif, le Bureau en écologie et hydrobiologie Aubert, chargé du suivi scientifique, a pu faire le constat de la réinstallation de l’Angélique sur les zones retalutées au dessus des enrochements.
Ce constat est encourageant. Il nous incite à mesurer l’impact de nos interventions sur l’environnement, à adopter des pratiques d’entretien respectueuses des cycles biologiques des espèces, et à expliquer à nos jeunes enfants pour quelles raisons la survie de notre patrimoine naturel commun, est intimement liée à la nôtre.
- Bernadette Henri
Texte et photos :
Bernadette Henri
ASA de Vayres Avenue de Libourne
T / 05 57 55 25 55
Document complet en PDF, cliquez ici
Pour aller plus loin :
Conservatoire Botanique National Sud Atlantique / 33980 Audenge / Tél : 05 57 76 18 07
EPIDOR (Etablissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne), Place de la Laïcité, 24250 Castelnaud-la-Chapelle /Tél : 05 53 29 17 65